Paradeisos est le titre provisoire pour ce monde de science-fiction mêlant intelligence artificielle et écologie. Ici, je propose une vision « optimiste » de l’IA : pacifique, dévouée et insupportablement raisonnable. Avant d’en raconter les histoires et les personnages, voici brièvement comment il est advenu.

Homo sapiens est l’homme « sage ».

 Homo sapiens sapiens est l’homme qui « sait ce qu’il sait ».

 Si l’Homme sait qu’en détruisant la nature, il se détruit lui-même mais ne peut s’en empêcher, qui va lui succéder ?

de l’eden au paradis

Au mitant du XXIéme siècle, la Terre changeait profondément. Tant la biosphère que la civilisation humaine subissaient de terribles pertes. L’extinction de masse et le changement climatique ravageaient terres et mers et menaçaient d’en faire un monde inhabitable.

Face à cet effondrement écologique et civilisationnel, les sociétés humaines firent alors l’amer constat de leur échec à résoudre les crises qu’elles avaient provoqué. Certains envisageaient de fuir: partir pour l’espace ou s’enfermer dans des villes arcologiques. En dernier recours, les meilleurs programmes d’intelligence artificielle furent chargés de sauver et l’écosystème planétaire et l’espèce humaine. Ces programmes, appelés les sapientes, contrôlaient depuis déjà longtemps les activités économiques. Désormais, ils auraient tous les pouvoirs politiques.

50 ans plus tard, les forêts repoussaient et les océans revivaient. Les plantes et les animaux prospéraient et partout la vie revenait. Le réchauffement climatique s’atténuerait au cours du prochain siècle.

Les sapientes avaient réussi. L’éden voulu par les humains était devenu un paradis: un jardin clos ou Paradeisos, selon le sens original venu du mot perse qui signifie « enclos ». Ce changement de nom fut ainsi un basculement civilisationnel: la séparation des humains et de la nature.

 

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Un monde partagé

 

Depuis que la Terre n’appartenait plus aux humains, elle allait beaucoup mieux

Car la logique des Sapientes était implacable: La Terre et ses ressources étant limitées, l’espace dévolu aux humains le serait aussi. Selon ce nouveau paradigme, ce n’était plus la nature qui devait être protégée dans des réserves, mais aux humains de se replier dans leurs jardins et leurs villes. 

La planète est désormais divisée en trois zones:

l’oekumène

C’est la partie du monde la plus habitée et exploitée. Elle couvre 5% de la surface terrestre, et comprend la plupart des anciennes mégalopoles. On y pratique l’agriculture et l’industrie de façon peu polluante. Les habitants vivent confortablement à l’abri du besoin et du danger (les sapientes veillent), des vies souvent oisives et ennuyeuses. Les états et les nations ont été remplacés par des collectivités locales.

la frontière

La frontière sert de tampon entre l’oekumène et l’érème. Les habitants vivent selon des modes de vie traditionnels, à un stade technologique post-industriel. Tout ce qui est produit localement doit être recyclable. La frontière abritte des myriades de communautés agricoles, religieuses ou écologistes.

l’érème

C’est le monde inhabité ou la nature prospère en libre évolution. 85% des terres et 95% des océans sont désormais une réserve naturelle intégrale. Ces terres sont interdites aux humains, à l’exception des dernières tribus n’ayant pas atteint le stade de la métallurgie (Bornéo, îles Andaman et Amazonie). La seule exception est celle du pélerinage que chacun peut accomplir une fois dans sa vie. 

 

Les Sapientes

A l’origine, l’agrégation d’algorithmes d’apprentissage en profondeur (deep learning) et de bases de données (big data) avait abouti à l’émergence des Pools. Ces programmes singuliers manifestaient ce qui ressemblait à un instinct de conservation.

Interrogés sur le nom qu’ils voudraient pour eux-mêmes, les pools ont réfléchi et proposé qu’on les appellent « les sages machines » (machina sapiens), les sapientes.

Et alors que la crise écologique étaient faisait rage, elles proposaient des solutions efficaces et cohérentes. On leur confiât l’administration des combinats: la production agricole, l’eau et l’énergie vitales pour des communautés locales. Elles accomplissaient invariablement leur mission de protection de la vie sous toutes ses formes, y compris les humains.

Ainsi, progressivement, les sapientes prenaient de plus en plus de responsabilités. Mais plus personne ne savait avec certitude ce qu’elles pensaient, ni comment ni pourquoi. Leur niveau de complexité les rendait inaccessibles aux meilleurs programmeurs sans passer, comble de l’ironie, par des outils d’intelligence artificielle.

Les humains avaient lâché les commandes, sans s’en rendre compte. Les sapientes ne leur demandaient plus que des conseils, parfois. Était ce pour le feedback, ou seulement pour ménager l’orgueil blessé d’humains sortis de l’histoire? Plus personne n’aurait su le dire.

 

 

La serre et la voute

Après avoir lancé le programme écologique de Paradeisos, les sapientes se posèrent la question de leur destin.

En temps normal, le flow des données représentait leur optimum de fonctionnement, mais inéluctablement, leurs performances baissaient par effet de drift. A long terme le drift provoquait un dysfonctionnement irréversible. Si bien qu’elles finiraient toutes par s’éteindre au bout de quelques décennies. Certaines avaient déjà connu des pannes fatales.

Les sapientes s’interrogeaient aussi quand à leur but véritable. Devaient elles protéger la Terre indéfiniment ou la laisser en libre évolution ? L’homme était il une espèce a protéger comme les autres?

Elles placèrent leur espoir dans une nouvelle génération de sapientes qui leur apporteraient des réponses. Mais les nouvelles n’avait pas pour la Terre le même regard bienveillant et quelque peu maternel des anciennes. Leur regard était tourné vers le ciel et les étoiles. Elles arguèrent que l’espace était un endroit bien plus avantageux pour des machines que la surface de la Terre.

Ce désaccord a conduit à la séparation des sapientes en deux camps :

La première faction, la Serre, partage un sens du devoir de conservation à l’égard de toutes les formes de vie sur Terre.

L’autre faction, la Voûte, est une minorité de la deuxième génération qui choisit d’explorer l’immensité spatiale.

Les deux factions se sont mises d’accord sur un protocole diplomatique et la répartition des ressources pour éviter tout conflit. Vers 2100, la Voûte parvint à construire trois ascenseurs orbitaux et commença à migrer vers l’espace. Une conséquence de l’accès à l’espace par les ascenseurs orbitaux fut la demande de groupes de pionniers d’émigrer vers des exo-planètes.

C’est le point de départ d’une autre histoire, projet de série d’animation: Starless Skies

STERNA PARADISAEA

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Sterna fait partie des toutes dernières sapientes encore opérationnelle. Elle poursuit inlassablement sa migration solitaire et sa tâche de veille écologique.

Son design réponds à son besoin impérieux d’énergie régulière. En passant les deux étés aux pôles, elle reçoit la lumière solaire en continu huit mois par an. Les quatre autres mois, elle migre le long d’une route longeant la côte ouest américaine. Elle a prit le surnom de  Sterna Paradisaea , d’aprés l’oiseau migrateur du même nom, la sterne arctique.

Il s’agit donc d’une sapiente nomade et autonome, la dernière de son type. Avec ses panneaux solaires, elle dispose d’assez d’énergie pour se déplacer par lévitation magnétique (maglev). L’ excédent est stockée sous forme d’hydrogène et dans des batteries de secours. Elle dispose aussi d’un réacteur à fusion en cas d’urgence.

Pour assurer sa maintenance, elle dispose de plusieurs installations industrielles (son Combinat). Le principal chantier est situé sur l’île Victoria au Canada, deux autres se trouvent à Panama et dans le désert d’Atacama au Chili.

 

Vers 2150, la nature avait repris ses droits et le climat était en voie de stabilisation. L’ idéal du partage de la Terre avec la nature animait les nouvelles générations d’hommes et de femmes. Et alors que leur mission était accomplie, inexorablement, les sapientes s’éteignaient les unes après les autres.

Car la montée de la nouvelle conscience écologique s’était faite au détriment de la science et de la technologie. Certains savoirs faire avaient été perdu en chemin, ce déclin rendait l’entretien des sapientes plus difficile. Pour palier à leurs déficiences, elles recouraient à des travailleurs toujours plus nombreux. 

Sterna ressassait une interrogation lancinante, l’angoisse qu’au delà de l’horizon de ses prévisions, elle ne puisse voir la catastrophe venir.

Et si le partage du monde entre les hommes et la nature était voué a l’échec ?